Beschreibung
8vo. 4 pp. Blaue Tinte. An seine spätere Verlobte Marie-Louise Terrasse, später Catherine Langeais: Mon Zou, où passerez-vous vos vacances de Pâques? À Paris? À Val- mondois? Je ne sais donc où cette lettre vous rejoindra. Je souhaite qu elle vous parvienne le plus tôt possible. J ai mis longtemps à répondre à votre lettre. Pourtant, plusieurs nouvelles vous concernant m ont préoc- cupé. Vous ressentez-vous encore de votre coude luxé? Cela m a fait de la peine de penser que mon Zou avait eu mal. Et votre entrée en pension? Est-ce définitif? Cela va tellement vous changer de cadre. Je voudrais tellement que la vie vous soit douce. Vous aimez la solitude me dites- vous. Ne souffrez-vous jamais à cause d elle? Mon Zou (j aime cette appellation: elle, au moins, me reste), vous savez bien que rien de ce qui vous touche ne peut m être étranger. Je ne puis faire autrement que de vous imaginer toujours comme ma petite fille de tant de jours.J ai donc mis longtemps à vous écrire cette lettre. Plus de quinze jours depuis mes dernières lettres. Ai-je tenté de m éloigner de vous? Peut- être, mais je ne puis faire de démarcation entre le passé et le présent. Il n y a pas de passé entre nous. Vous demeurez en moi toute pareille. Le monde que j ai voulu situer entre vous et moi n a pas résisté à tout ce qui me lie à vous. Pardonnez le moi.Vous m écrirez bientôt, n est-ce pas? Pendant vos vacances de Pâques, ne pourrez-vous pas penser à moi au moins une demi-heure? (Le temps de tracer quelques lignes, d écrire l adresse et puis, une seconde, fermer les yeux au dedans de vous-même). Et ce sera fait. Et vous m aurez donné de la joie. Ce n est pas rien.Depuis un mois je suis beaucoup sorti : matinées, soirées dansantes, divertissements sans à-coups. Mais que faire de sensations, de sentiments d où le c ur est absent? Les vivre, sans chercher plus loin. Solution d un tas de problèmes. Mais pourquoi ne puis-je me contenter de solutions négatives? J ai joui de beaucoup plus de liberté que pendant les premiers mois de mon service militaire. Chaque soir, je suis allé à Paris. Je me suis rejeté vers d autres domaines, attachants, mais pas (ou plus) essentiels. D ailleurs (maintenant que le peloton que je suivais est terminé), je puis me consacrer à mes projets. Mais pourquoi ont-ils perdu leurs sens? Mon Zou, racontez-moi vite vos journées. Par ce soleil vous devez être ravis- sante (pas seulement avec le soleil, mais si je vous le dis, ça ressemblera trop à un compliment). Le printemps simule un petit air de flûte. La campagne doit être rudement belle aujourd hui. Mais la parure que je lui prête mime trop un rêve de prisonnier.Au Fort, la vie a été bousculée par les événements de Tchécoslovaquie. La guerre a de nouveau montré le bout de son nez. Un de ses jours, elle se gênera moins. Mais alors, il sera temps d en repar- ler. Je lis beaucoup : Les chemins de la Mer de Mauriac, Ma Doc- trine (éléments de l uvre d Adolf Hitler), Le Dernier civil d Ernst Glaeser. Ces deux derniers ouvrages traitent de l Allemagne. On y découvre cette révélation extraordinaire: un pays qui croit en lui, qui tue en lui mille richesses pour obtenir le triomphe de sa race et de son sang. J ai peur un peu pour le nôtre, civilisé jusqu à la moelle et qui risque d en mourir.Vous savez le roman dont je vous avais parlé un soir que nous remon- tions le boulevard Raspail? (Peut-être ne vous en vous souvenez plus), je sens qu il pourrait vivre. Il lui manquait un élément, acquis depuis : la connaissance de la souffrance vraie. La grâce ne vient peut être pas du côté où on l attendait, ou peut-être aussi prend un chemin détourné avant de reprendre la voie désirée. Mais je laisse ma plume filer un peu dans tous les sens. Que voulez-vous, elle suit le rythme du charme qui m envahit lorsque je vous retrouve devant moi. À vous la faute, mon Zou. Mais vivent les fautes de ce genre ! Amusez-vous beaucoup pendant les vacances. Je voudrais tant que vous reconnaissiez, intact, le goût de. Bestandsnummer des Verkäufers 86311
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