Beschreibung
PROUST, Marcel (1871-1922) Lettre autographe signée « Marcel Proust » à Marie Scheikévitch [Paris] 102 b[oulevar]d Haussmann, 1er février 1915 (cachet postal), 4 p. in-8° à l encre noire sur bifeuillet vergé Enveloppe autographe timbrée et oblitérée jointe Anciennes traces de trombone en marge supérieure de la première page et de l enveloppe - Empreint de componction, Proust préfère souffrir au lit plutôt que de mener une « vie facile » et pense aux soldats mobilisés au front - « Chère Madame, J ai toujours cru chaque soir être en état de sortir le lendemain. Et, depuis octobre j ai pu me lever une fois et à minuit seulement1, c est à dire sans possibilité de vous voir. Si j avais cru être aussi incapable de bouger, je vous aurais écrit plus tôt. Mais je ne voulais pas vous répondre qu il m était impossible de fixer d avance un jour (mes crises étant si imprévues), parce que j espérais que cela allais devenir possible. L expérience du passé ne m a pas découragé d espérer un avenir qui ne lui ressemble pas. Et même maintenant, au moment où je vous écris cette lettre, j espère encore qu une chance me permettra de vous la porter. En attendant, je ne cesse de penser à vous. Je mets tout mon espoir dans votre fils2 et je pense que, seule au monde, sa faiblesse aura la force de vous aider à porter votre croix. Tout ce que vous me dites du frère que vous avez perdu et que je ne savais pas rend mon chagrin plus vif encore, en me faisant mieux imaginer votre désespoir3. Mais la décision de votre plus jeune frère me navre4. Je l admire. Mais j aurais préféré que sa douleur se consacrât à la vôtre au lieu de l accroître d une telle angoisse. En attendant qu on se décide à me faire passer un conseil de contre-réforme qui ne saurait, je crois, tarder, je bénis la maladie de me faire souffrir, car si cette souffrance ne sert à personne, du moins elle m évite celle plus grande que me donnerait le bien-être, la vie facile, pendant que souffrent et meurent tous ceux que ma pensée ne quitte pas. Quand vous aurez le temps de dicter pour moi une une ligne où vous me diriez mon frère va bien et est moins exposé, mon, fils va bien, j ai du courage , vous rendrez bien heureux votre respectueux admirateur. Marcel Proust » 1 Proust est allé ce soir-là à minuit chez Mme Edwards, ainsi qu il le dit dans une lettre à Lucien Daudet envoyée la veille au soir. 2 André Carolus-Duran (1902-1972), fils de Marie Scheikévitch 3 Il s agit d un des frères de Mme Scheikévitch, Victor Scheikévitch (1885-1914), avocat à la Cour, parti comme sous-lieutenant au 103e régiment d infanterie, tombé, peu de jours après avoir été proposé comme capitaine, le 15 septembre 1914, à Tracy-le-Val 4 Ici le plus jeune frère Mme Scheikévitch, Valentin Scheikévitch ; parti comme médecin major d un bataillon de chasseurs cyclistes, rattaché en cours de route à l état-major du général Lanrezac, il venait sur sa demande d être envoyé en première ligne comme médecin-major du 2e bataillon d infanterie (division Mangin). Il devait être cité à Neuville-Saint-Vaast. Proust et la guerre : Cette lettre fait directement suite à celle envoyée à Marie Scheikévitch trois semaines plus tôt, le 9 janvier. Proust avait alors apprit avec effroi la mort de Victor Scheikévitch, frère cadet de sa correspondante, tué au front aux premières heures de la guerre. Il se désole ici de savoir son plus jeune frère, Valentin Scheikévitch, mobilisé à son tour. Lorsque la guerre éclate, l écrivain est alors en pleine rédaction de la suite de La Recherche (Du côté de chez Swann avait paru en novembre 1913). Lui qui n est pas appelé sur le front à cause de la maladie suit le déroulement du conflit depuis son appartement parisien du 102 boulevard Haussmann. Le conflit, on le sait, aura une incidence directe dans le déroulé de son roman. Il fait ainsi de l église de Combray un observatoire allemand, qui sera détruite par les français et les anglais. Bibliographie : Kolb, t. XIV, n°15. Bestandsnummer des Verkäufers ABE-1702917254189
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